Dans ces Lettres de la Marquise de M** au Comte de R***, Crébillon fils façonne un roman épistolaire et libertin d’une finesse psychologique remarquable, où toute la passion se joue à travers la plume de la dame. Il y déploie une analyse subtile des états d’âme, explorant les contradictions du cœur avec une lucidité presque chirurgicale. Par l’usage exclusif des lettres féminines, il construit une voix intérieure extrêmement maîtrisée, qui donne à percevoir l’intensité dramatique d’un amour autant idéal que destructeur. L’auteur conjugue l’artifice du style libertin avec une gravité morale tragique : la raison n’aura pas le dernier mot sur la passion. On y perçoit un jeu d’échos et de silences, montrant comment la plume peut être à la fois arme, confession et miroir de l’âme. Claude‑Prosper Jolyot de Crébillon, dit Crébillon fils (1707–1777), naquit à Paris dans une famille d’écrivains (son père, Crébillon “père”, était tragédien). Éduqué chez les jésuites au collège Louis‑le‑Grand, il s’illustra très jeune dans des cercles littéraires et satiriques. Il publia son premier conte, Le Sylphe, en 1730, puis acquit la célébrité avec des œuvres libertines et romanesques comme Tanzaï et Néadarné ou Les Égarements du cœur et de l’esprit. Sa verve lui valut à la fois l’admiration des salons et quelques démêlés avec la censure ; il fut emprisonné à Vincennes pour des écrits jugés subversifs. Sa plume, élégante et mondaine, fit de lui l’un des grands romanciers du XVIIIᵉ siècle, oscillant entre libertinage, ironie et profondeur morale. *** CREBILLON, Claude-Prosper Jolyot de - Lettres de la Marquise de M** au Comte de R***. Londres, 1767. Complet en 1 volume in-12 [263pp.] Reliure plein veau blond en bel état de conservation. Dos lisse orné, pièce de titre. Usures et petits manques aux coins et coiffes. Frottements aux plats. Tranches mouchetées. Intérieur bien conservé, une grande tâche en début d'ouvrage. Bon exemplaire de cet ouvrage peu commun.