A propos de l'œuvre Le Crépuscule des Secrets À l’heure où Venise retient son souffle, lorsque la brume efface les contours du monde et que les pas se taisent, une gondole glisse sans bruit sur l’eau immobile. Elle ne semble guidée ni par un rameur ni par le courant, mais par une intention plus ancienne, presque oubliée. La jeune femme qui s’y tient avance lentement, enveloppée d’un manteau rouge sombre, couleur du serment et du secret. Sous la capuche, son visage reste à demi caché, comme si elle refusait encore d’appartenir entièrement à la nuit. Dans sa main, une lanterne éclaire juste ce qu’il faut : le présent. Ni le passé, trop lourd, ni l’avenir, trop incertain. On dit qu’elle apparaît lorsque la ville est prête à révéler ce qu’elle dissimule. Elle ne cherche pas un lieu, mais un souvenir. Chaque reflet doré sur l’eau est une voix ancienne, chaque façade noyée dans la brume une confidence murmurée. Son regard ne se pose jamais longtemps sur les palais, comme s’il lisait entre les pierres. Peut-être veille-t-elle sur les âmes perdues, peut-être recueille-t-elle les promesses abandonnées, ou peut-être est-elle elle-même prisonnière de ce passage nocturne, condamnée à errer tant que la flamme brûle. Lorsque l’aube approche, la gondole disparaît. Il ne reste que le frémissement de l’eau, et cette étrange sensation : celle d’avoir été observé par la ville elle-même, à travers les yeux d’une gardienne silencieuse. Et Venise, une fois encore, garde ses secrets.